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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 15:48

James Ellroy, auteur que j’aborde aujourd’hui ici, après bien d’autres, est un auteur plus que présent sur la toile. Vous n’aurez aucun problème à trouver des informations sur lui, son œuvre et, pourquoi pas, ses opinions, ses provocations. Un auteur qui, quand il apparaît, le fait avant tout pour son métier, celui d’écrivain et pour un aspect qu’il intègre dedans, la vente de bouquin… Il ne s’agit pas seulement de les écrire ces livres, il faut également en vivre et du mieux possible. Et puis, après tout un écrivain écrit pour être lu… Je vais quand même écarter de mon tour d’horizon les différentes vidéos où il apparaît, elles ont plus à voir avec le commerce qu’avec l’écriture proprement dite.

 

La notoriété d’Ellroy n’est plus à prouver, il bénéficie d’une reconnaissance qui lui permet d’être présent sur les incontournables que sont l’encyclopédie Universalis ou Wikipédia (en français et en anglais). Trois pages lui sont consacrées dans la première et des articles assez fouillés pour la deuxième. Mais tout est relatif… Car James Ellroy peut parfois pousser à la modération, le personnage étant tellement excessif ou se voulant tel que l’on peut se méfier de ce qu’il annonce ou raconte…

Pour preuve, les multiples entretiens accessibles en ligne, comme celui de l’Express à l’occasion de la sortie d’American death trip ou celui d’Evene.fr (je sais, j’avais dit pas de vidéo). Pour en finir avec le personnage, un article de Michel Abescat dans Télérama évoque la démesure dont il s’affuble.

 

Ellroy et son envie d’en faire des tonnes ne sont pas vraiment ce qui m’intéresse, je préfère évoquer son œuvre et ça n’est pas toujours simple avec un tel client. Pour nous recentrer et pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, son éditeur nous propose sa bibliographie et une biographie tirée d’un site qui lui est consacré, Ellroy.com. Pour ne pas en privilégier plus qu’un autre, d’autres sites lui sont entièrement dédiés, tels que jamesellroy.net (site officiel) ou Ellroy confidential.

Pour mieux cerner Ellroy l’écrivain et son œuvre, le Nouvel Observateur est parvenu à lui soutirer des propos ayant trait à la littérature et aux œuvres qui l’ont influencé, c’est succinct mais c’est un début. Pour aller plus loin et comprendre que l’œuvre d’Ellroy ne laisse pas indifférent, un article de Jean-Claude Dunyach sur Esprits nomades vous donne un aperçu de l’œuvre et des portes d’entrée pour y accéder.

 

Pour finir, si vous voulez avoir une vision plus large de son œuvre, vous pouvez vous tourner vers le numéro de la revue Polar qui lui a été consacré et qui a été réédité il n’y a pas longtemps par l’éditeur français du romancier. Et, enfin, pour un point de vue plus nuancé que ceux proposés jusqu’ici, moins positif mais tout aussi pertinent et intéressant (sinon plus), procurez-vous le numéro 9 de l’excellente revue L’indic (le noir magazine) et plongez dans la lecture de l’article captivant d’Alexandre Clément.

 

Si avec ça, vous n’avez pas fait le tour… Je reviendrai, quant à moi, sur l’œuvre de l’écrivain, sans autre ambition que de passer en revue ses différents romans et d’évoquer ce que leur lecture a suscité comme réflexion de ma part…

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 22:12

Le troisième livre de la trilogie de Murakami, 1Q84, se déroule d’octobre à décembre. Après le printemps dans le livre 1, l’été dans le livre 2, Aomamé et Tengo vivent une troisième saison de cette année particulière… Si proche de celle que nous avons connue mais pas tout à fait la même. Un nouveau point de vue rejoint le leur, celui d’Ushikawa, personnage croisé auparavant. L’alternance des chapitres se fait donc entre eux trois.

Après s’être quasiment frôlés, nos deux protagonistes se sont éloignés. Leur désir le plus profond est pourtant de se voir, de se retrouver… Aomamé reste dans l’appartement d’où elle a aperçu Tengo et Tengo va vivre dans la ville où son père est hospitalisé pour être près de cet endroit où il a revu Aomamé, ou son double.

 

Le temps est un autre personnage de l’histoire, une donnée importante. On le croise dans les conversations et il ne passe pas de la même manière pour chaque personnage… Nous les suivons en parallèle mais pas toujours au même moment.

 

1Q84 Livre 3 Octobre- Décembre (2010)“En réalité, le temps n’est pas rectiligne. Il n’a même aucune forme. C’est quelque chose qui, dans tous les sens du terme, ne possède pas de forme. Mais comme nous ne sommes pas capables de concevoir des choses qui n’ont pas de forme, nous le figurons sous l’apparence d’une ligne droite, par commodité. […] Peut-être que le temps ne ressemble pas du tout à une ligne droite. Peut-être qu’il se présente sous la forme d’un donut en escargot.”

 

Le temps se dilate pour les uns quand il passe si vite pour les autres mais, au final, il concorde pour tous. Ce jeu sur le temps et l’alternance des points de vue nous permet parfois de vivre la même scène sous trois angles différents… à des moments différents du livre.

Ushikawa, lui, se bat contre le temps… Il doit retrouver Aomamé, il doit racheter une faute dont il n’est pas entièrement responsable. Et les Précurseurs sont toujours là malgré la disparition de leur leader. Ils sont là et affectent toujours la vie des protagonistes.

 

Aomamé et Tengo se cherchent et sont recherchés. Nous sommes maintenant sûrs qu’ils vivent la même histoire, dans le même monde. Nous sommes sûrs de ce lien et d’autres… Certains vont apparaître au long de ce troisième volume.

 

Et Murakami joue de ces différents ingrédients. Il sonde, observe, chacun. Il fouille, prend son temps. Les pensées de ses personnages nous sont livrées, les rebondissements ne sont pas pléthores mais on ne peut décrocher. Ce n’est pas un de ces romans qui nous obligent à tourner les pages pour savoir ce qu’il se passe ensuite ; c’est un roman qui nous prend, nous rend curieux, nous donne envie d’en savoir toujours plus sur les protagonistes comme pour vérifier que nous les connaissons vraiment… Et nous finissons par les connaître.

C’est un roman exigeant, qui oblige le lecteur à s’enfoncer loin en chacun. A s’enfoncer et à l’accepter. A accepter la dissection des personnages. A s’interroger… Ce n’est qu’à ce prix que nous pouvons percevoir une grande partie de l’histoire.

Et puis, l’intrigue nous rattrape, nous attrape et nous pousse à savoir ce qu’il va enfin arriver et comment cela arrivera… Elle nous pousse à nous demander qu’elle est réellement l’emprise du temps. En quoi le temps nous change et en quoi il nous préserve… Peut-on lui échapper ?

 

Au bas de la dernière page, la dernière ligne laisse perplexe “fin du livre 3”… Murakami en a-t-il fini avec cette année ?

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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 15:06

Au milieu des années 60, comme à la fin des années 50, Amila fait une pause dans sa production romanesque. Il se consacre à d’autres activités, comme le cinéma. Cinq ans s’écoulent après la parution de Noces de soufre.

 

Les fous de Hong-Kong paraît en 1969.

Avec ce roman, l’écrivain nous offre le portrait d’un homme perdu, d’un homme qui ne maîtrise pas complètement ses relations aux autres, un homme à l’image du couple du roman précédent. La société, son évolution, ne font pas de cadeau. Il faut s’adapter… L’économique, la finance, prédominent, de manière de plus en plus globale.

Victor y croit pourtant en débarquant dans la ville. Il s’y croit ou veut y croire. Il est venu négocier un contrat pour la Les fous de Hong-Kong (1969)société de son beau-père, est suivi à distance par son épouse, pas tenu en très haute estime par les deux. Sa situation n’est déjà pas idéale. A peine débarque-t-il que la femme de celui avec lequel il doit négocier passe la nuit avec lui… Mais ce John, cet anglais qui peut paraître naïf, est peut-être son double. Un naïf qui est parvenu à le faire venir pour d’autres raisons que celles qu’il croit.

Les personnages de ce roman sont flous, difficiles à cerner. Comme dans Noces de soufre, les relations n’ont plus la simplicité d’avant, elles ne correspondent plus à ce à quoi on avait préparé cette génération… Dans une ville qui oscille entre communisme chinois, domination anglaise et proximité taïwanaise, les gens oscillent aussi.

C’est un roman qui tente de prendre la température de l’époque qu’a écrit Amila, un roman en plein changement… changement qui est plus proche de celui que nous décrit Amila que de celui auquel certains voulaient croire à l’époque.

Amila capte l’air du temps, nous en proposant une vision désabusée, on le serait à moins. Il capte l’air du temps en commettant un roman prenant, dérangeant… un roman qui ne met pas à l’aise. Cette tendance, pressentie avec Noces de soufre, se poursuit. Elle existait dans les romans précédents mais elle se précise nettement. Les personnages doivent s’adapter à une société qui évolue trop vite, qui ne leur donne pas de place et où en trouver une est loin d’être simple.

 

L’année suivante, c’est Le grillon enragé qui atterrit sur les gondoles.

Le personnage principal est un marginal. Un homme, jeune, ayant navigué d’un extrême à l’autre, des barbouzes aux étudiants à la recherche d’une société nouvelle. L’histoire débute alors qu’il se remet d’un passage à tabac, soigné dans la chambre d’une infirmière en devenir. Un type débarque, M. Michel, et lui propose de travailler pour lui, pour ce qui ressemble à une agence gouvernementale.

Henri Grimont ne sait pas très bien qui il est, qui il peut devenir. Il aime à s’imaginer autrement, à un âge où beaucoup deLe grillon enragé (1970) choses sont encore possibles… Henri Grimont se rêve autrement, il veut qu’on l’appelle Eric et se verrai bien en avatar de James Bond… Et c’est un peu ce que lui propose M. Michel.

Un James Bond à la petite semaine. Un James Bond dont la première mission va se dérouler en Sardaigne… et ne va pas se dérouler tout à fait comme prévu. Car, entre temps, Eric s’est découvert amoureux et se sentant assez malin pour tout gérer, il envisage la Sardaigne en compagnie de Vonette, l’élue de son cœur, l’infirmière qui l’hébergeait. Première entorse à ses engagements… Pour une mission secrète, ça commence mal.

Et si l’on veut mener une mission secrète à bien, il faut être froid, sans sentiment, ce qui ne s’avérera pas simple pour Eric…

C’est à nouveau le portrait d’un homme en marge que nous offre Amila, le portrait d’un jeune qui ne sait pas ce qu’il pourrait devenir à un âge où il est temps de le savoir. Le portrait d’un homme qui voudrait vivre de rien, en dehors du monde… Un naïf à une époque où il ne fait finalement pas bon de l’être.

 

Les romans suivants d’Amila vont être marqués par l’arrivée d’un personnage récurrent, Géronimo, Doudou Magne de son vrai nom.

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 11:18

Après trois romans réussis tournant autour de la politique, autour des seconds rôles, des seconds couteaux qui permettent aux premiers d’exister, d’exercer, Oppel a persisté dans cette voie avec ses deux fictions suivantes. Les deux dernières en date du côté des adultes…

 

En 2006, le romancier apporte sa plume pour ajouter une pierre à l’édifice d’une collection naissante, la “suite noire” des éditions La Branche. Une série qui revisite les grands titres des grands anciens et dans laquelle Oppel ne pouvait pas ne pas être.

C’est un titre de Manchette, l’un de ses auteurs de chevet, qu’il décide de parodier, dont il décide de s’inspirer pour commettre son propre roman. La position du tireur couché devient La déposition du tireur caché. L’écrivain nous propose une nouvelle aventure au pays de la magouille et des règlements de compte sans trop de scrupule. La déposition du tireur caché (2006)Règlements de compte au-dessus des lois parce que commandités par des personnes qui se croient d’une importance indiscutable…

Une nouvelle fois, Oppel dénonce et exploite les affaires qui ont frappé les milieux politico-financiers. On pourrait penser à une affaire Boulin au pays de la haute finance, celle qui ne s’embarrasse pas de morale, celle qui fraie avec les politiques comme les truands…

Cette affaire arrive sous nos yeux quand elle a déjà occupé le devant de la scène sans trouver d’épilogue du côté de la marée-chaussée. Nous allons parcourir les différents documents composant un courrier envoyé au commissaire chargé de l’enquête. Une lettre, des dossiers confidentiels et un enregistrement lui sont adressés pour l’aider à faire la lumière sur l’exécution et, en même temps, punir des commanditaires peu respectueux des usages en cours. Nous lisons les confessions d’un tueur à gage qui pourrait être celui que nous avons croisé dans Cartago, un pendant masculin de la Canine de Canine et Gunn ou encore l’équivalent professionnel du personnage central de Chaton : trilogie.

C’est une récréation que nous offre Oppel, une récréation réussie. Un livre pas vraiment commis en passant, même pour ce qui pourrait s’apparenter à un jeu, Oppel nous offre un ouvrage écrit avec sérieux, respect pour ses lecteurs. Un respect synonyme de plaisir partagé.

 

L’année suivante arrive sur les gondoles le dernier roman en date du romancier.

Réveillez le Président ! propose un nouvel angle dans l’approche du pouvoir politique. Après avoir exploré le monde de ceux qui sont chargés de permettre au pouvoir d’agir avec une certaine sérénité, sans la peur de l’attentat ou de l’assassinat, après avoir exploré celui de la collusion entre politique et finance et les dommages collatéraux que ce genre d’alliance provoque, après avoir étudié ou imaginé les magouilles, les stratégies (pour être plus correct), utilisées pour accéder au pouvoir ou s’y accrocher, Oppel se laisse aller à imaginer ce que ce pouvoir peut avoir d’inquiétant, de dangereux… Ce que les technologies, autres alliés des hautes sphères, peuvent représenter d’angoissant quand une confiance trop grande leur est faite.

Nous sommes dans un roman de politique-fiction qui remet en cause certains processus planifiés au sommet de l’Etat. Certains processus en place et difficilement discutables, étroitement reliés à la défense du pays… La guerre est Réveillez le président ! (2007)peut-être trop sérieuse pour être confiée à des militaires mais doit-elle autant reposer sur le silicium et ses avatars, sur les microprocesseurs et leurs connexions ? Est-ce sans risque ?

C’est une évolution de la société, désormais tributaire de réseaux et de technologies complexes, que le romancier pointe du doigt. Et pour mieux étayer son discours, le rendre plus percutant, il imagine un bug (ou bogue) au plus haut niveau de l’Etat, un dysfonctionnement qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices… Un bug d’une machine couplé à celui d’un chef d’Etat et la communication n’existe plus entre les différents niveaux de décisions militaires… Les conséquences peuvent en être dévastatrices depuis que l’Homme s’est doté d’armes pouvant détruire ou sérieusement endommagé la planète.

C’est une réflexion, un sujet que nous avons déjà entendu, une sorte de War Games (le film de John Badham) littéraire et français. Mais c’est une nouvelle fois une occasion pour Oppel de coupler à son discours une histoire prenante, un thriller efficace.

Le thriller étant le genre vers lequel il semble de plus en plus tendre…

On peut trouver ce roman parfois très (trop) technique, comme le sont la plupart des intrigues se penchant sur de tels sujets, avec descriptions précises des armes, des forces en présence. Mais d’autres traits viennent contrebalancer cette impression comme les petites phrases que chaque personnage s’autorise à un moment ou un autre sur le chef de l’Etat, affirmant qu’il n’est plus le même depuis tel ou tel événement. Oppel nous offre ainsi une liste non exhaustive de ce qui aurait pu changer le Président, des échecs qu’il a dû affronter régulièrement. Il nous offre aussi une liste des différents bugs qui auraient pu mener à une troisième guerre mondiale, une guerre nucléaire à la conclusion guère réjouissante.

 

Depuis 2007, Oppel se fait désirer. Son prochain roman est sûrement en cours ou achevé… peut-être qu’il a nécessité plusieurs réécritures, toujours est-il que notre impatience monte…

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 17:36

Le dernier roman de Paul Colize est titré Back Up… C’est un roman noir, c’est annoncé sur la couverture. Mais avant d’être, ou tout en étant, un roman noir, c’est un roman de Paul Colize.

On retrouve avec plaisir son écriture, ses titres de chapitre qui en annoncent invariablement les derniers mots. On retrouve le plaisir qu’a Colize d’écrire et de nous offrir une intrigue travaillée, une construction élaborée qui joue avec nous, qui fixe notre attention en alternant les points de vue, à la première ou la troisième personne, ou omniscient derrière le déroulement des événements. Qui joue avec les époques, l’année dernière, ou celle d’avant, et les années 60 et leur déferlante rock qui avait pris naissance dans la décennie précédente.

Paul Colize nous offre une version toute personnelle de cette décennie et de son “sexe, drogue et rock’n roll” qui ne s’est pas arrêté avec la venue des années 70… Cette version est noire, particulièrement noire, elle nous donne une vision différente, désaxée, sur une période qui peut être mythique pour certains, qui est en tout cas historique (ça file un coup de vieux à d’autres, non ?).

Chez Colize, la drogue ou le rock’n roll deviennent inquiétants, flippants. Car c’est une manière toute personnelle qu’a Colize de célébrer le pouvoir de la musique, la puissance du son…

 

Nous suivons les trajectoires de plusieurs personnages. Un groupe de musiciens comme il en existait beaucoup au milieu des sixties, un groupe anglais, un groupe de rock, décimé sans raison apparente. Un autre musicien, un batteur Back Up (2012)belge, qui fuit l’armée puis la police, qui dégringole. A travers ces trajectoires et les enquêtes qu’elles suscitent, nous parcourons les années en côtoyant les individus en marge qui rêvaient d’un monde meilleur, d’un monde différent et ne voulaient pas de celui qu’on leur offrait, en côtoyant les milieux musicaux et leur déglingue, leur jusqu’au-boutisme dans toutes les expériences qu’il leur était donné de vivre… La drogue coule à flot, la musique devient une religion, le rock’n roll déchaîne les passions et un monde va passer près de l’explosion…

Les différents points de vue enrichissent la peinture de l’époque. Elle est vue sous des angles variés, avec pour épicentre la musique. La musique et les passions qu’elle a provoquées, chez les spectateurs ou spectatrices. La musique et les vocations qu’elle a suscitées. La musique et la récupération inévitable qu’elle a générée, son pouvoir sur les foules présentant un attrait pour nombre de personnes plus ou moins bien intentionnées.

 

Vous l’aurez compris, Colize explore l’influence de la musique et du son sous bien des aspects… Son ouvrage n’a pourtant rien de théorique. Il nous offre une intrigue prenante, il nous offre, comme à son habitude, des personnages particulièrement réussis, des personnages en marge que l’on a l’impression d’avoir croisés. Que l’on est sûr d’avoir croisés une fois le livre refermé, tellement ils sont fouillés, réels, pleins de zone d’ombre, de doutes.

Et puis, Paul Colize nous gratifie de clins d’œil avec, par exemple, l’évocation de l’objet central de l’intrigue de son roman Le baiser de l’ombre, lors d’une visite de musée. Et d’ailleurs, bien que, vous l’avez compris, la musique soit le centre du roman, la peinture est toujours présente, autre signature du romancier, amateur de cet art. Nous voyageons de nouveau, de Bruxelles à Paris, de Londres à Berlin, de Montreux à Vienne ou New York…

 

C’est bien un roman de Paul Colize, un roman noir.

Noir, car nous suivons des itinéraires qui sombrent petit à petit… nous suivons des individus qui se perdent, volontairement ou victimes d’une société de laquelle ils se sentent de plus en plus étrangers, à l’image de cette musique qu’ils ont aimée et dont ils s’éloignent, en regrettant son évolution ou l’arme qu’elle peut devenir… A l’image de ces disparitions qui jalonnent notre parcours au travers des pages.

Un roman noir car il en devient paranoïaque… et nous donne envie d’en réécouter la bande-son, l’esprit peuplé de nouvelles images pour accompagner ces morceaux évoqués au cours de la lecture et listés en fin de livre.

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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 14:13

En 2000 paraît Cartago.

Un roman qui marque un virage dans l’œuvre de l’écrivain sans toutefois déparer du reste. C’est un roman rondement mené, un quasi-thriller, tout comme avaient pu l’être auparavant Barjot ! ou Six-Pack. C’est un roman qui frôle certains fantasmes propres au polar ou aux genres voisins, après le grand banditisme et les tueurs à gage de Canine et Gunn, le tueur en série de Six-Pack (encore), voici maintenant les services spéciaux, ces officines d’Etat qui ont des droits et un manque de scrupules pour mener à bien leur mission que le commun des mortels n’a pas. Ou ne peut se Cartago (2000)permettre.

En l’occurrence, l’officine est chargée de la protection du chef de l’Etat. Et l’histoire démarre au lendemain d’un attentat manqué contre celui-ci… Une nouvelle unité est créée pour suppléer à la précédente, indépendante de l’officine en question et directement assujettie à l’Elysée. La nouvelle unité va, cette fois lui être directement rattachée et un de ses agents, Phalène, en fera partie… Oppel joue avec les sigles puisque la CAT et opposé à la DOG. Entre autres.

Nous sommes en pleine politique fiction et, sous couvert du genre, l’écrivain joue avec les conventions, les passages quasiment obligés… Phalène, agent infiltré par la DOG dans le Groupe, va étroitement côtoyer le président, intégrer sa protection la plus rapprochée. Mais Phalène n’est pas qu’une garde-du-corps, elle se pose des questions sur les raisons qui ont poussé une organisation à payer pour tuer un président déjà mal en point, presque mourant. Nous sommes en 1994 et la succession est lancée, alors, pourquoi s’intéresser encore à celui qui ne représentera plus rien, en tout cas plus l’Etat, d’ici quelques mois…

Oppel joue avec les codes pour nous offrir une nouvelle fois un roman rythmé, un roman accrocheur, un roman loin d’être juste une politique-fiction… Ou alors, rappelant celles des années 70 au cinéma, celles d’Alan J. Pakula notamment. C’est un récit qui se veut neutre, respectant, je le répète, certains codes en vigueur. Oppel est un écrivain cherchant à s’inscrire dans les différents genres qui voisinent avec ou font le polar, il sait mener une intrigue et nous offre avec Cartago un roman tendu, un suspens prenant, s’élevant vers une apothéose finale qui restera légèrement extérieure au livre…

 

Deux ans plus tard, Jean-Hugues Oppel poursuit son exploration de la politique et de ses à-côtés. C’est Chaton : trilogie. Une trilogie en un seul roman.

Après la politique-fiction vue du côté des officines d’Etat, nous voici devant les liens entre politiques et banditisme. Sous toutes ses formes. Un homme, Chaton, est animé d’un esprit de vengeance carabiné. Un esprit de vengeance meurtrier. Une femme, commissaire de son état, sent l’histoire beaucoup plus compliquée qu’un simple règlement de compte quand elle débarque sur les lieux d’une tuerie particulièrement efficace et sauvage.

Après la politique-fiction menée à la manière d’un thriller, d’un roman d’espionnage, nous sommes de retour du côté du polar, avec une intrigue en forme d’enquête et de traque. Pas si loin de Six-Pack ou Ténèbres, pas loin non plus du roman d’Amila, Sans attendre Godot… Il y a d’autres points communs entre les deux auteurs comme, par exemple, cette façon de mener l’histoire, de faire monter la tension jusqu’à un final en apothéose… Apothéose plutôt négative bien souvent.

Avec ce roman, Oppel s’attaque à un genre, sans toutefois complètement abandonner ses vertes Chaton trilogie (2002)prairies. Qui auraient plus à voir avec de sombres ravins, des côtés plutôt nauséabonds de l’âme humaine. Car, à mon avis, ce qui intéresse J-H Oppel est davantage à chercher du côté de l’Homme, dans toute sa grandeur et surtout sa petitesse, que dans la société. Ce qui l’intéresse sûrement plus est de voir, d’examiner, comment l’homme a pu pervertir le groupe dans lequel il vit, la société qui en est née. Et, avec Chaton : trilogie, on est servi.
On assiste à un règlement de compte. Un règlement de compte qui touche la surface, le visible de la société. Un événement qui dépasse et fait désordre. Un événement qui dérange, qui gêne particulièrement aux entournures ceux qui tirent les ficelles, détiennent certains pouvoirs occultes, ou que l’on ne veut pas mettre trop sur le devant de la scène. On assiste à ce point de rencontre entre ce qui veut rester caché, dans l’ombre, et cette bonne République à laquelle le citoyen lambda est confronté.

Les personnages de Chaton, l’homme en rupture de ban, et de la commissaire de police, sonnent juste, nous mènent dans cette histoire de manière convaincante. On a envie de suivre leur vie, de suivre leurs réflexions, leurs états d’âme. Envie de savoir ce qui leur arrive, de savoir comment ils vont y arriver.

Ce n’est pas un roman qui dénonce à mort, juste un roman qui parle de choses que tout-un-chacun soupçonne, pour peu qu’il ne soit pas dénué de cette paranoïa qui nous habite tous plus ou moins.

Et cette femme commissaire, Valérie Valencia, n’est pas sans nous rappeler les flics croisés précédemment dans l’œuvre de l’auteur. Elle n’est pas sans rappeler les personnages principaux de tous ses livres, des êtres solitaires, sans attaches ou les ayant rompues… Et prêts à tout pour connaître la vérité.

 

En 2005 paraît le troisième volet de l’exploration politique de Jean-Hugues Oppel. French Tabloïds, de part son titre et de l’aveu même de l’auteur en ouverture, est un hommage à Ellroy.

Avec les deux précédents romans, on pouvait le sentir venir… Après un roman proche de l’espionnage, comparé à ceux de Frédéric Forsyth en quatrième de couverture, après un autre proche d’un polar plus classique, cette fois, Oppel lorgne du côté des grands contemporains et de l’un d’entre eux en particulier.

Il revient sur l'année d'avant les élections présidentielles de 2002, égrenne les jours au rythme des morts plus ou moins célèbres qui les ont jalonné. Oppel ne se contente pas, bien sûr, d'égrenner ces disparitions mais c'est, à mon avis, un des détails qui participent à une certaine impression de froideur, les gens disparaissent, des personnalité qui ont, en leur temps, fait l'actualité ou passionné les foules et dont la mort ne nous touche que très peu. Nous sommes finalement comme les personnages du roman d'Oppel, indifférents à ce qui se passe ailleurs ; réaction humaine ?

Là où les personnages de Oppel sont différents, c'est l'indifférence qu'ils ont également pour la disparition de ceux French Tabloïds (2005)qui servent leurs intérêts, qui vont permettre de mettre en place un scénario étudié, pensé. Ils vont jusqu'à les souhaiter et parfois les provoquer. Aucun suspens, nous savons tous ce qui se passe, ce qu'il va se passer et à quoi vont aboutir toutes ces manipulations mises en place dans différents endroits, par différents protagonistes ne se connaissant même pas. Leur but est commun, l'élection de leur Champion.

Oppel nous propose une explication à des événements que nous avons vécus, que nous avons subi... Il nous donne sa vision des choses, sa vision des coulisses et c'est effectivement effrayant. Car sans jouer sur le sensationnel, il nous expose une explication tellement réaliste que nous n'avons malheureusement aucun mal à y croire.

Cette élection, comme toutes les élections, fut un combat où tous les coups étaient permis, pour peu qu'on leur donne un tour acceptable. Oppel nous raconte l'histoire du côté des vainqueurs, c'est toujours de ce côté-là qu'elle s'écrit, et on a de grandes difficultés à la trouver belle cette histoire. Mais qu'en diront les générations futures ?

Jean-Hugues Oppel nous offre avec ce roman plus qu'un roman, un témoignage, presque un document bien qu'il donne la part belle à la fiction.

Dans la forme, le roman se présente comme une alternance de textes, de unes de journaux ou d’extraits d’autres documents, il use de phrases courtes, simples. Dans le fond, il s’agit de la réécriture d’une page récente de notre histoire politique… Comment a été mené à bien le passage au deuxième tour de l’élection présidentiel d’un candidat d’extrême-droite. C’est un roman qui fait certainement énormément appel à l’imagination de son auteur, à son interprétation, ses fantasmes, mais qui est également sérieusement inspiré d’un fait authentique ayant marqué l’actualité récente.

Oppel nous offre une vision paranoïaque d’un événement, tout comme l’écrivain auquel ce roman se réfère.

 

L’exploration de ce sujet, la politique et ce qui tourne autour, va se poursuivre dans l’œuvre de Jean-Hugues Oppel, avec ses deux derniers romans parus à ce jour… J’y reviens dans pas longtemps.

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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 14:51

Avec le cinquième roman de Jean-Hugues Oppel, deux changements s’opèrent… Deux changements qui apparaissent en couverture. Tout d’abord, les couleurs ne sont plus cette association de jaune et noir si connue, si identifiable et puis le nom n’apparait plus seul. Changement d’éditeur, donc, arrivée chez Rivages dans la collection dirigée par François Guérif et prénom révélé aux lecteurs curieux, qui le connaissaient peut-être déjà mais cette fois en ont la confirmation quasi officielle.

Avec ce cinquième roman, outre ces changements, Oppel poursuit son évolution, son exploration du monde du polar, s’approchant du roman noir…

 

Brocéliande sur Marne paraît en 1994 et confirme la richesse de l’univers du romancier. Après être entré dans le polar par deux romans assez classiques pour l’époque, bien dans la tendance du moment, et pourtant déjà marqués par une certaine patte, une plume et un certain humour, puis deux romans s’approchant d’une observation plus sociale, Oppel change encore.

Broceliande sur Marne (1994)Il avait rendu hommage à certains aînés auparavant, cette fois, il s’empare d’une légende pour nous raconter une histoire bien actuelle… Il s’empare d’une légende pour la pervertir. Arthur et les chevaliers de la table ronde ne sont plus ce qu’ils étaient, ils ne sont même plus tout à fait du même côté, les vielles rivalités les ont poussé dans des camps opposés. Les chevaliers ne sont plus aussi fringants, les fées ont sombré, emportées par leurs mixtures.

C’est un paysage pas très reluisant que nous offre Oppel, un paysage de banlieue promit à l’avidité des promoteurs, aux coulées de bétons à vous défigurer les vieux quartiers, à vous expatrier les habitants pour faire place nette et attirer les gogos pleins aux as. Ou tout au moins aisés. L’humanité n’est pas à chercher du côté des politiques ou des professionnels du bâtiment mais plutôt de celui des petites gens, de ceux qui faisaient les banlieues jusqu’ici. Elle peut aussi se cacher dans la jeunesse, une jeunesse pas forcément si désabusée, ou en tout cas prête à se battre encore.

Oppel continue à mettre son style léger, parfois humoristique, décalé, au service d’une intrigue détaillant un pan peu reluisant de notre société. On ne s’embarrasse pas de scrupule quand il s’agit de faire du fric. Le fric est d’ailleurs devenu une raison de ne plus se préoccuper de ses semblables. Constat pessimiste mais malheureusement plus que jamais actuel. Constat noir… couleur qui teinte de plus en plus les romans du monsieur.

 

Quelques mois après Brocéliande sur Marne, Oppel commet un nouveau roman, un roman qui confirme sa place dans le paysage du polar.

Ambernave s’attaque de nouveau à décrire notre société malade. Malade du chômage, de la crise et de la pauvreté qu’elle entraîne. Pauvreté que certains persistent à croire volontaire, à stigmatiser. Oppel rend hommage à un autre monument de la littérature, à l’un des auteurs marquants du XXème siècle et à une de ses œuvres incontournables, Des souris et des hommes de Steinbeck. Il s’y attaque avec humilité et en propose une version qui s’intitulerait “DesAmbernave (1995) petits chiens et des ombres”.

Nous suivons le parcours d’un ancien docker, abimé, un ancien docker qui vivote, qui tente de garder une certaine dignité en se battant pour survivre. Un docker dont l’une des références est le roman de Steinbeck et qui va le vivre de l’intérieur… Qui va en vivre sa propre version.

C’est une histoire déglinguée que nous offre Jean-Hugues Oppel, déglinguée et pleine d’une humanité qui s’accroche encore à quelques uns d’entre nous. Espérant sûrement des jours meilleurs. Espérant ne pas être définitivement condamnée. Emile va devoir composer avec ses sentiments, lui, le misanthrope, va se découvrir des envies d’amitié, des envies de protection, de se soucier de son prochain… Plutôt inattendu mais il va l’accepter et s’y soumettre.

C’est un roman marquant, touchant, dans lequel Oppel va jusqu’au bout, ne détournant les yeux devant aucune forme de violence, s’attachant à des personnages parfois peu recommandables. Des personnages enfantés par notre société. C’est noir et pessimiste.

En arrivant chez Rivages, Oppel aura écrit, au milieu des années 90, deux romans majeurs dans son œuvre, deux romans qui témoignent de son talent, qui le confirment définitivement… Mais il n’en restera pas là.

 

L’attirance pour le noir chez Oppel se confirme avec son opus suivant.

Six-pack a un aspect moins social que les deux bouquins précédents. Il lorgne du côté des hard-boiled d’outre-Atlantique, nous proposant de nouveau un personnage déglingué mais ce personnage déglingué sera pour cette fois Six-Pack (1996)un flic, un enquêteur, aux prises avec une affaire nauséabonde. Une affaire de crimes en série aux répercussions délicates… Une affaire qui va l’obliger à désobéir à ses supérieurs, à plonger dans une histoire dont il ne pourra de toute évidence pas ressortir entier. Indemne, comme on dit.

Un tueur se plaît à occire de jeunes femmes célibataires, à les occire de manière assez sauvage. Mais y a-t-il des crimes civilisés, respectueux des victimes ? L’inspecteur Saverne s’y colle et ira jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte.

Oppel nous parle un peu de mondialisation, nous présentant ces crimes en série comme une importation états-unienne que nous allons devoir nous coltiner au même titre que les chaînes de restauration rapide et en série ou tout un autre tas de produits venus de là-bas. Oppel plonge surtout dans une noirceur profonde, noirceur et thème qui pourraient rappeler par certains côtés ceux d’American Psycho d’Ellis mais traités d’un autre point de vue.

C’est de nouveau un roman marquant.

 

Le roman suivant paraît deux ans plus tard, en 1998.

Ténèbres explore de nouveau le roman noir et la descente aux enfers d’un flic déjà pas mal bousculé, marqué.

La mort est partout et Novembre, flic de son état, l’a beaucoup affrontée. Il va s’y coller encore et aller très loin.

Jean-Hugues Oppel nous décrit une autre manière de détruire les esprits inventée par l’homme. Après les produits enTénèbres (1998) série qui déboulent jusqu’à nous, il nous parle des croyances et de l’endoctrinement qui y sont attachées, parfois… Après l’économique, le spirituel détruit les âmes…

C’est un roman marquant car Oppel, tout en explorant un autre sujet, s’intéresse toujours à une forme en constante évolution. Le roman noir qu’il commet n’est pas tout à fait le même que celui d’avant, ce n’est plus un thème majeur du roman anglo-saxon qu’il accommode à la sauce française mais une autre façon de fouiller l’âme humaine et ses dérives. Une dégénérescence inhérente à l’humanité, une certaine humanité… une humanité malade.

Jean-Hugues Oppel va très loin, se met peut-être un peu en scène puisque le personnage central aime les chats, roule en moto…

C’est, pour moi un roman important dans l’œuvre d’Oppel, un roman que j’ai particulièrement apprécié. Peut-être parce qu’il est proche de thèmes, d'une approche, chers à un auteur comme Pagan, par exemple…

 

Après avoir arpenté le roman noir, notre écrivain va bifurquer. Il va s’aventurer sur un terrain qu’il a déjà effleuré mais qu’il veut approfondir. Un pan de notre société qui génère pas mal de fantasmes. La politique et tous ceux qui tournent autour… Ce sera pour la prochaine fois.

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:01

C’est dans la collection créée par Duhamel que débarque Oppel. D’abord en duo, comme d’autres avant lui, Manchette ou consort.

En 1983, Dorison et Oppel s’associent pour nous raconter à deux voix l’histoire de Canine et Gunn. Les présentations avec les deux personnages du titre, ceux que nous allons principalement suivre, sont expédiées dès les premières pages. Nous savons d’emblée où nous nous aventurons et quelle genre d’histoire va nous être contée… Une jeune Canine et Gunn (1983)femme, aimant les armes et acceptant certains contrats pour l’argent, et son chien aux ambitions si proches de sa maîtresse.

Le duo débarque en Corse. Pas pour le tourisme. Il débarque pour mettre la main sur du matériel acquis illégalement par des voyous locaux. Ce matériel attire les convoitises de pas mal de monde et Canine et Gunn vont devoir tracer leur chemin aux milieux de ces luttes de clans (corses et siciliens), luttes de pouvoir (CIA et KGB, guerre froide oblige).

C’est une histoire dans l’esprit du polar des années 80, un polar dans la lignée de ce qu’est devenu le polar après que quelques aînés aient contribué à son évolution. Manchette n’est pas loin, Klotz non plus, deux auteurs dont Oppel se réclame d’ailleurs. C’est l’histoire d’une femme plongée dans un monde habituellement réservé aux hommes, quand je dis habituellement, je pense surtout à l’univers romanesque balisé, le polar calibré…

Oppel et Dorison arrivent et nous proposent déjà une relecture du polar tel qu’il existe à leur époque, apportant un décalage qui y ajoute une certaine saveur. De l’ironie. Mais leur arrivée est surtout marquée par un roman rythmé, efficace. Un de ces romans que l’on aime lire entre deux trains ou deux gares.

 

Il faut attendre cinq ans pour ouvrir le deuxième roman d’Oppel. Il a, entre temps, comme son compère Dorison, touché au cinéma mais, contrairement à Dorison, il revient au polar, univers qui semble lui convenir et convenir à sa plume.

En 1988 paraît Barjot !, toujours dans la collection à la couverture noir et jaune. Ce roman est un régal pour qui goûte à l’univers du polar de l’époque, à un certain univers du polar. Il s’agit d’un roman ressemblant à une course-poursuite,Barjot ! (1988) un homme est aux prises avec une réalité qu’il ne connaissait pas. C’est un polar qui bouscule et vous tient en haleine avec un rythme particulièrement soutenu. Ça commence fort, ça commence avec un massacre perpétré de main de maître. Le massacre d’une famille réunie autour de la table pour partager un repas. Une famille dans laquelle le père, Jérôme-Dieudonné Salgan, manque seul à l’appel… Pour une roue crevée, roue crevée à cause d’un chauffard dont il se prend à penser qu’il n’est pas étranger à l’élimination de sa famille. Et ce père ne va plus penser qu’à régler leur compte à ceux qui ont fait ça, il est en vie et il doit s’accrocher à quelques chose. Mais il n’est pas familier des enquêtes, pas familier des pistes à suivre ni de la manière de les débusquer, les pistes. Cette naïveté va lui servir puisqu’il en devient imprévisible du point de vue des professionnels, engoncés dans leurs habitudes. Oppel nous offre un personnage proche de nous, confronté à un univers que nous ne connaissons qu’à travers la lecture. Et l’alchimie prend. Que demande le lecteur sinon d’être dans l’histoire ?

Avec ce deuxième roman, le premier en solo, Oppel s’affirme et se fait un nom. Pour le prénom, il faudra encore attendre. Il s’affirme comme un auteur maîtrisant le genre et y ajoutant une touche nouvelle. Un bon auteur de polar. Un auteur à suivre.

J’en avais parlé par ici.

 

Trois ans s’écoulent avant la parution du bouquin suivant. Zaune atteint les gondoles en 1991. Le réalisme (un certain réalisme) qui était à la périphérie de ses deux premiers opus est, cette fois, bien présent. L’action de Zaune se situe dans une réalité à l’œuvre en ce début des années 90.

C’est une nouvelle course-poursuite que nous donne à lire Oppel. Une course contre la montre pour Zaune, pour Zaune (1991)sauver son frère. Dans sa banlieue, cet ancêtre de la cité, de ces cités dont on parle à tout bout de champ désormais. Zaune va devoir courir pour sauver son frère de ses trafics et de ses tentatives particulièrement naïves d’escroquer plus fort que lui…

Oppel, sous couvert d’une action tendue, nous fait parcourir cette banlieue où tant de personnes vivent ou sont appelées à vivre dans les années qui suivront. Il nous fait parcourir la banlieue en nous offrant au passage à voir les acteurs, les personnes qui la font, qui y sévissent. Et Zaune évolue dans ce microcosme…

Oppel évolue radicalement avec ce troisième roman, il ne centre pas tout sur l’action mais se met dans la position d’observateur. Observateur de la société dans laquelle il vit, de la société dans laquelle vivent ses lecteurs. Il franchit l’espace qui sépare le divertisseur de l’auteur…

J’ai chroniqué ce livre pas plus loin que .

 

L’année suivante paraît le dernier roman d’Oppel à la série noire. Ce sera Piraña matador, polar exotique.

Ce qu’avait amorcé Oppel avec son polar précédent, l’observation des sans-grade, des exploités, se poursuit. Sous une autre lattitude, l’auteur observe la lutte d’un patron tout puissant contre ses ouvriers, contre les syndicats qui pourrissent leur esprit, leur donnant des idées revendicatrices. L’élément étranger que nous allons accompagner estPiraña matador (1992) un exécuteur de basses œuvres appelé là pour nettoyer la ville de ses empêcheurs d’exploiter en rond. Un exécuteur qui se prend à penser, qui ne maîtrise plus son côté humain…

Comme pour les romans précédents, il y a lutte, lutte de pouvoir. Après les services secrets et un certain crime organisé dans Canine et Gunn, différents services d’Etat dans Barjot !, la police et les malfrats qui veulent asseoir leur main mise sur un territoire dans Zaune, nous voici cette fois au cœur du monde du travail. Comme pour les romans précédents, l’action est rythmée et tend vers une conclusion en forme d’apothéose, une montée en puissance, en tension, qui trouve parfaitement sa place dans la collection où sévit l’écrivain.

Le cap qu’il avait franchi avec l’ouvrage précédent se confirme, Oppel approfondi ses personnages, ils ne sont plus de simples faire-valoir d’une intrigue rondement menée, distrayante et efficace. Son point de vue devient social, critique… Oppel confirme tout le bien que ses autres romans pouvaient laisser imaginer, entrevoir.

 

Après s’être fait un nom, Oppel va s’attaquer à son prénom en changeant d’éditeur et en étoffant son univers, en enrichissant ce que nous avons pu discerner à la “série noire”.

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 21:47

Oppel fait parti de ces auteurs découverts presque par hasard… Un de ses bouquins hantait les têtes de gondoles dans les rayons poche et j’avais envie d’un polar. J’ai jeté un rapide coup d’œil à ce qu’on en disait ici ou là et je me suis jeté. Un auteur français de polar, ça me tentait, je n’en connaissais que très peu. Et un auteur de polar semblant si éclectique, ça me tentait encore plus.

Ou bien quelqu’un d’autre me l’a rapporté d’une de ses expéditions en librairie après m’avoir demandé ce que j’en pensais… ce qui n’est pas loin de revenir au même.

 

Avec Oppel, comme vous pourrez le voir quand je parlerai de son œuvre, on parcourt le polar. Le polar et ses formes. Oppel est une sorte de caméléon, capable de se glisser dans pas mal de genres ou de sujets pour toujours nous proposer un roman à lire puis à recommander.

Mais cette définition de ce qui pourrait faire l’originalité d’Oppel ne vaut-elle pas pour beaucoup d’autres ? Le propre d’un écrivain n’est-il pas d’explorer, d’arpenter des territoires ? De parcourir différents thèmes, de fouiller différents genres ? Cette définition semble valable pour bien des auteurs évoqués jusqu’ici, Amila venu au polar après le roman social, Cook s’offrant deux vies d’écrivain, Pagan partant du polar pour explorer ses personnages en profondeur, Lehane arrivant au roman historique ou Colize au roman noir, Murakami réexplorant sans cesse notre univers, le remettant sans cesse en question…

 

Alors qu’est-ce qui définit le mieux Jean-Hugues Oppel… C’est peut-être en parcourant son œuvre que nous le saurons.

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 15:22

Jean-Hugues Oppel est un auteur confirmé dans le milieu du polar. Un auteur qui a roulé sa bosse et qui la roule encore. Parcourant les festivals, se déplaçant dans les collèges ou autres lieux d’enseignement, il a diversifié sa palette en passant dans les années 90 au roman pour la jeunesse… Un écrivain complet sur lequel je vais me pencher à présent. Parce qu’outre être complet, il a un certain talent, un talent qui en fait l’un des écrivains que j’aime retrouver régulièrement…

 

Sur la Toile, Jean-Hugues Oppel a également sa place. Une place qui va du généraliste au spécialiste…

Il a les honneurs de quelques sites généralistes très peu (voire pas du tout) évoqués ici. Rue des livres nous propose une courte biographie agrémentée de sa bibliographie quasiment complète… On y apprend l’essentiel et son œuvre apparaît. Sur un site jeunesse, Ricochet, sa bibliographie destinée aux chères têtes blondes est mise en exergue. L’inévitable article de Wikipédia existe en ce qui le concerne, courte biographie accompagnée une nouvelle fois par une bibliographie exhaustive, en supplément un entretien succinct sur la littérature jeunesse…

 

A la lecture de ces différents textes, il est aisé de comprendre qu’Oppel est un auteur prisé pour ce qui est de la jeunesse… mais il l’est également dans le domaine du polar.

Il est ainsi présent sur le site de l’ours Polar à travers une interview, sur l’incontournable Pol’Art Noir (j’y reviens toujours) avec un autoportrait venu d’un site disparu dans les limbes numériques, et sur le non moins incontournable k-libre, une biographie accompagnée d’une rubrique recensant ses présences dans les différents festivals qui confirme qu’il s’y consacre assidument…

 

Je terminerai ce rapide tour d’horizon avec les deux sites les plus intéressants, sûrement, pour faire connaissance avec le bonhomme. Il y a d’abord un site qui lui est consacré et qui semble pas mal informé… Et, cerise sur le gâteau, son éditeur actuel lui a consacré une série de vidéos accessibles sur son site… A voir et écouter.

 

Avec tout ça, si vous ne connaissez pas déjà ce romancier, vous en saurez plus sur lui et j’espère que vous n’aurez alors qu’une envie, celle de parcourir son œuvre… Je ne vais pas tarder à ajouter mon grain de sel dans l’histoire pour vous convaincre si c’est encore nécessaire. Et puis aussi pour souligner à mon tour tout le bien que je pense de lui.

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